Interview à "experpento"

Avoir les pieds sur terre, travailler avec l'illusion d'un novice, prendre la sincérité comme bannière, éviter les clichés typiques que semble adopter tout artiste pour remettre sa carrière sur les rails : tels sont les signes particuliers de cet homme à l'aspect de garçon aux multiples facettes : il danse, il chante, il joue la comédie. Qui dit mieux?


La musique, la danse et l'interprétation. Ce sont trois rêves d'enfance devenus réalité ou des caprices du destin?

Les deux. Petit, j'imitais Michael Jackson. J'aimais beaucoup chanter, danser, comme n'importe quel enfant. Par la suite, le destin aidant, j'ai commencé à jouer avec un groupe de théâtre amateur et l'expérience m'a beaucoup plu. Ensuite, tout s'est enchaîné : à l'Ecole d'Art Dramatique, alors que je commençais à étudier sérieusement, une compagnie de danse et de théâtre a fait appel à moi et m'a fait entrer dans le monde de la danse. Puis est venu le chant : je me suis présenté au casting de Grease en tant qu'acteur qui dansait et ils m'ont répondu que j'aurais à chanter et j'ai chanté. Après quatre ou cinq castings supplémentaires, ils m'ont donné le rôle principal. C'est le destin, mais c'est aussi un rêve devenu réalité, même si mon véritable rêve était de devenir sportif...

Tu viens de présenter "Chuecatown". Penses-tu que Chueca est en train de devenir un ghetto?

Je ne pense pas que ce soit un ghetto, même si il se focalise trop sur un type de personnes. Mais d'un autre côté c'est normal, parce que quand les gens ont voulu faire ce qui leur plaisait vraiment ils ont été freinés, alors que maintenant ils peuvent le faire. Il est normal que de plus en plus d'homosexuels veuillent vivre à Chueca, où ils peuvent s'habiller et s'exprimer comme ils le désirent. Je crois qu'il est devenu un quartier typique, où l'on se sent bien dans un climat de liberté, aussi bien pour les homosexuels que pour ceux qui ne le sont pas.

D'après toi qu'est-ce qui plaît dans le monde "gay" : sa vérité ou sa rentabilité?

Cela dépend : il est évident que ce qui intéresse un chef d'entreprise c'est sa rentabilité. Beaucoup (de gays) ont un pouvoir d'achat élevé et en "profitent" en dépensant de l'argent, en s'habillant chic, et en prenant soin d'eux. Si tu me poses la question par rapport à la politique sociale, ce qu'ils pensent, ce qu'ils espérent et ce que vont faire les hommes politiques par la suite intéressent aussi. L'univers homosexuel est comme l'hétérosexuel. Tant que nous n'aurons pas compris qu'ils n'ont rien de différent et que nous faisons tous partie du même élément il y aura des films catalogués "pour gays" et des études de marché sur les homosexuels. Quand tout ne sera qu'unité et que ce sera vu comme quelque chose de normal, il n'y aura même pas à se demander pourquoi les homosexuels font telle ou telle chose.

A travers le rôle interprété par Pepon Nieto dans "Chuecatown" le spectateur peut se rapprocher d'une réalité gay méconnue, loin des canons de la beauté comme celui d'Apollon.

Je pense que le stéréotype de l'homosexuel beau gosse ou hypermoderne existe de moins en moins. Les gens voient les homosexuels comme les personnes qu'ils sont. Tout le monde est l'enfant de son père et de sa mère. L'un préférera être une "fashion victim" et l'autre lire Tchekov. Le problème c'est qu'on a tendance à vouloir tout mettre dans des cases, on fait trop de répartitions dans la société : l'un peut être métrosexuel à un moment, et le lendemain être un peu plus négligé, ou être à la maison, couché à ne rien faire...

Un acteur accepte un rôle par nécessité ou pour le plaisir d'interpréter ce personnage?

Pour les deux. Je ne me souviens plus qui a dit un jour, à très juste raison, "il y a des rôles qui te donnent à manger et il y a d'autres rôles dont tu profites". A certains moments tu n'as pas le choix. On s'imagine beaucoup de choses sur les acteurs. Parfois, les gens disent "il a très bien géré sa carrière, en choissisant très bien ses rôles". Eh bien cette personne a peut-être eu la chance de pouvoir choisir ce qu'elle voulait, ou la chance qu'on lui ait toujours offert de très bons rôles, mais la plupart ne peut pas. Dans notre petit monde nous pouvons parfois choisir mais il y a des rôles pour lesquels on t'appelle ou on ne t'appelle pas ou alors on t'offre un rôle qui ne te "botte" pas mais au moins tu as à manger .

Parfois on voit comment un acteur tente de vendre un rôle médiocre, comme si il en avait fait beaucoup, alors que ce n'est pas le cas...

Eh bien si tu as travaillé avec une maison de production tu ne peux pas dire que tu n'as fait ce rôle que pour manger... dans ce cas là tu ne vends pas le film et la production peut très mal le prendre. En plus, en faisant ça tu peux aussi perdre de futures opportunités. Peut-être qu'ils font ça aux Etats-Unis, où ils ont de bonnes productions et d'autres qui ne sont pas si bien que ça, et où les acteurs ont un certain nombre de films à faire avec la même maison de production, mais ici il n'y a que 135 films et 10 séries par an, alors ou tu travailles dans certains ou tu ne manges pas.

Comment décrirais-tu le rôle que tu rêves d'interpréter un jour?

Ce que j'en sais moi !!C'est que je ne pense pas à interpréter un rôle. Peut-être qu'en revanche je pense à participer à un type concret de production : travailler dans l'une de ces productions américaines, avec beaucoup d'action et un budget élevé, m'enchanterait. Etre sur le tournage doit être plus amusant que le travail que tu peux faire avec le personnage. J'aimerais aussi beaucoup faire une comédie très très comique, très très amusante et avec un personnage déjanté, quelque chose de complètement différent de ce que j'ai l'habitude de faire. J'ai passé de bons moments dans "Tirando a dar", une série qui n'a connu que deux épisodes, mais qui avait, je le crois, un réel potentiel. Je me suis beaucoup amusé et c'est un travail qui te fait aller très haut. Dans une comédie tu dois tout donner. Dans "Chuecatown" aussi j'ai passé de supers moments, et travailler à nouveau dans une comédie déjantée me plairait beaucoup.